Explication entre amoureux

Se promener en ce lieu enchanteur était un véritable plaisir. Le soleil avait fait fondre la neige hivernale et bourgeonner les arbres. Les fleurs arboraient leur plus belle couleur. Telles des courtisanes, les abeilles voletaient autour, ou butinaient le pollen. Tout cela paraissait irréel, comme une ode à la nature. Le jardinier de Sarliève accomplissait des prodiges.

Sindbad ne se privait d'ailleurs pas de déambuler et de capter les senteurs de ce lieu. Lui et Aparajita pouvait librement circuler en ces lieux hors de la surveillance constante de Catalin Lupescu, puisque celui ci n'était pas admis à Sarliève.

Au hasard de leur promenade, le constantinopolitain et la dravidienne arrivèrent devant une fontaine en albâtre. L'ornement en était classique : une statue de Ποσειδῶν, dieu grec de la mer.

Pour Sindbad, ce fut comme un choc. Il se rappela de la fontaine qu'il avait vu en rêve lors de sa convalescence au dispensaire d’Agen après l’attaque de l’italien. Les jardins de la Cappello Malipiero Barnabo, à Venise. Et cette femme qui se tenait à ses côtés. Celle dont les cheveux étaient teint au henné. Graziella…Elle se prénommait Graziella.

Il se tourna alors vers Aparajita, et demanda :

« La femme que j’ai connu à Venise, tu t’en souviens ? Qui était-elle ? »

Aparajita suivait Ganapati dans sa découverte des jardins du palais de Bodhisattva.

La végétation ici était bien différente de celle de son pays d'origine. Les forêts ne se composaient pas de tecks ni de maowah ou de bambous. Les animaux y affichaient aussi leur différence. Ici, pas de ces najas qui s'enroulent autour du cou de Shiva ou protègent le sommeil de Vishnu, mais tuent d'une morsure le voyageur qui ose les menacer. Pas de pachydermes non plus, éléphants ou gaur. Et les abeilles sont plus grandes que l'Apis Florea.

Le nez au vent, la dravidienne humait tout, regardait tout, détaillait tout de son oeil avide de curiosité. Décidément, incroyable était l'oeuvre de Shiva, protectrice de la nature.

Par contre, la fontaine dont le spectacle s'offrit à elle était bien oeuvre humaine.

Quelque peu assoiffée par cette promenade, et ignorant la mine sévère de l'homme au trident, Aparajita alla se désaltérer. Elle étancha sa soif jusqu'au moment où elle se retourna. Ganapat se tenait là, immobile, le regard perdu dans le vague.Ce regard là, Aparajita le connaissait. Il n'augurait rien de bon.

Ganapati soucis ? demanda t-elle timidement.

Sindbad a écrit:: « La femme que j’ai connu à Venise, tu t’en souviens ? Qui était-elle ? »

Aparajita soupira. Cette période de son existence était plutôt sombre, et elle avait peu envie de la narrer à Ganapati. Mais pourtant, elle comprenait son besoin de retrouver son passé pour reprendre le cours de sa vie présente. Un brahmane ne lui avait-il pas dit un jour "dans une construction , il y a les fondations : le passé , puis le rez-de-chaussee : le présent , et des étages : le futur."

La dravidienne rassembla ses esprits afin de fournir à Ganapati une explication claire.

Tout se mélangeait dans sa tête, elle passait son temps a courir dans les couloirs du château de Clermont ainsi que la mairie, elle commençait même à se demander si elle n’allait pas installer une couche dans son bureau de la douane .

Malgré tout depuis quelques temps son esprit était ailleurs, comment allait-elle gérer cette situation qui devenait de plus en plus compliquée , elle qui croyait qu’un nouveau départ, loin de la guyenne les aiderait…

Ils étaient tous les deux très occupés, elle en était consciente mais elle s’apercevait aussi que depuis son départ il avait créé un fossé entre eux, est ce voulu ? pour cela elle avait besoin d’en avoir le cœur net et le confronter , elle ne supportait plus ce silence qu’il lui infligeait depuis quelques jours.

Aigue avait fait une proposition à Ranya, elle lui lança une invitation à se rendre au domaine ou il se trouvait, tout d’abord elle hésita un long moment, se demandant si sa présence serait la bienvenue en ce lieu, ce silence était peut-être voulu, comment allait-il la recevoir ?

Elle décida sur un coup de tête, alors qu’elle devait prendre la route pour Polignac .

Elle abandonna ses dossiers , le temps de récupérer sa jument et sa besace , elle fila au galop jusqu’au domaine.

Après quelques heures sur les routes, elle arriva aux portes du Château de Sarliève, un homme s’approcha d’elle, elle se présenta à lui , il ne paraissait pas surpris de son arrivée.

Elle laissa son cheval à l’entrée, elle ne pouvait trop s’attarder, elle n’avait que quelques heures devant elle, mais bien décidée à repartir avec des réponses.

L’homme l’accompagna jusqu’aux jardins, Aigue avait surement donné des consignes.

Voilà le moment était arrivé, elle ne pouvait plus faire marche arrière, il se trouvait là à quelques mètres d’elle, il ne s’était pas encore aperçu de sa présence , il était en grande discussion avec cette femme qu’elle avait croisé au bal.

Elle les regarda un moment sans bouger, Ranya se posait toujours des questions en la voyant et voir même en être jalouse, apparemment tout son temps libre il le passait avec…, qui est –elle vraiment ?

Elle avait fait toute cette route , elle ne pouvait plus retrousser chemin maintenant, elle devait creuser pour en savoir plus , certes il était très occupé mais elle aussi et pourtant elle trouva le temps de venir à lui puisque lui préférait faire la mort, cette situation n’était plus possible , elle voulait savoir.

Elle s’approcha d’eux discrètement, prit une grande inspiration.

Bonjour Sind, bonjour Dame….

Cette voix...Se pouvait-il que...

Sindbad se retourna.

Elle était là. Elle se tenait devant lui.

Ce n'était pas quelque souvenir issu de son passé oublié, mais bien une réalité de chair et de sang. Une qu'il pouvait étreindre sans qu'elle s'évanouisse.

En trois pas, il était à sa hauteur. Il la serra dans ses bras aussi fort que la passion qui l'animait. Il se sentait comme s'il était de nouveau entier. Qu'enfin, il ne faisait plus qu'un avec elle.

Et c'est passionnément qu'il embrassa ces lèvres qui s'offraient à lui, comme les pétales d'une fleur qui attend le passage de quelque abeille.

Bonjour à toi, petite nymphe.Comment te portes-tu ?

Alors qu'elle s'apprêtait à répondre à Ganapati, Aparajita remarqua la femme qui s'approchait d'eux.

D'abord sur le qui-vive, la dravidienne se détendit lorsqu'elle reconnut la silhouette de celle qu'elle avait croisé lors de cette grande réception. Elle savait désormais qu'avec elle, Ganapati ne courait aucun danger. Il n'en demeurait pas moins que ceux ci s'abandonnaient un peu trop facilement à leurs émois, à son goût.

Mais voilà...Ganapati lui avait fait signe de s'éloigner quelque peu. Aparajita obtempéra à regret.

Sindbad à sa voix se tourna vers elle, on pouvait voir sur son visage la surprise de sa présence.

Il s'approcha puis la serra dans ses bras , suivi d'un baiser passionné, un accueil chaleureux qu'elle appréciait après tout ce temps.

Sindbad a écrit:: Bonjour à toi, petite nymphe.Comment te portes-tu ?

Elle laissa paraitre un sourire en entendant ces mots, il y avait bien longtemps qu'il ne l'avait appelé comme ça.

La femme en profita pour s'éloigner discrêtement sans un mot, Ranya avait l'impression d'être arrivée à un mauvais moment.

Et bien difficile à dire....ai je interrompu votre conversation ?

j'ai pris la route ce matin espérant enfin avoir de tes nouvelles, dis moi il n'y a pas de pigeons ici ?

elle jeta un regard autour d'elle avant de le poser à nouveau sur lui...

Je doute que se soit le cas, alors tu ne m'as pas laissé le choix, trouves tu normal que les seules informations que j'ai, viennent de nos amis ?

Ranya sentait bien que quelque chose n'allait pas depuis quelques temps, peut-être qu'elle se faisait des idées, ils avaient changé tous les deux, l'impression qu'il lui donnait , ce sentiment qu'elle avait d'être en trop pour le moment dans sa vie, devait-elle à nouveau s'éffacer pour qu'il puisse enfin se retrouver ?

Elle prit sa main et l'invita à s'asseoir.

Certes , ce silence avait fait monter la pression depuis quelques temps et pourtant , se trouvant devant lui elle ne s'avait plus comment agir, elle ne voulait pas l'embarrasser , ni le braquer, il fallait donc qu'elle garde son calme pour comprendre.

Tu te souviens de ce que tu m'as demandé quand je t'ai confié les circonstances de ma fuite en octobre ?

Elle attendit sa réponse avant d'enchainer.

Ranya a écrit:: Tu te souviens de ce que tu m'as demandé quand je t'ai confié les circonstances de ma fuite en octobre ?

Sindbad répondit instantanément :

Je ne suis pas sûr de me souvenir de mes mots exacts. Mais je crois t'avoir demandé pourquoi tu ne m'en avais pas parlé. Nous aurions pu faire front tous les deux contre la menace.

En son for intérieur, Sindbad se demandait où Ranya voulait bien en venir.

Sindbad a écrit:: Je ne suis pas sûr de me souvenir de mes mots exacts. Mais je crois t'avoir demandé pourquoi tu ne m'en avais pas parlé. Nous aurions pu faire front tous les deux contre la menace.

C’est exact, je vois que tu as toujours aussi bonne mémoire, sourit.

Ce que je cherche à te faire comprendre, c’est que ce jour là, ou tu m’as annoncé cette nouvelle et la façon dont tu l’as fait , j’ai eu plus l’impression que tu parlais à une amie plus qu’à celle qui partageait ta vie et qui est normalement concernée, ce n’était pas un départ de quelques jours….certes je sais c’était urgent, mais nous aurions pu trouver une solution ensemble et là , tu es parti sans te retourner, sans explication , rien.

Comment crois tu que j’ai pris la situation ? oui je me suis senti très seule, toutes les promesses faites avant ton retour de guyenne, tout ça.. venaient de s’envoler en quelques minutes.

Sans compter ce silence…elle laissa échapper un soupir.

Elle le fixa du regard, il l’avait écouté sans l’interrompre , elle espérait qu’il comprenne qu’elle ne voulait pas l’emprisonner, mais qu’elle était là, prête à le soutenir en cas de besoin, qu’il n’était plus seul, il était déjà bien difficile pour elle de se savoir impuissante face à son passé , ce poids qu’il trainait derrière lui depuis tellement longtemps.

Elle voyait dans son regard à quel point il était mal à l’aise , mais elle ne voulait pas que cette situation se reproduise cette discussion s’imposait.

Mon cœur, si tu veux que nous avancions ensemble, je crois que nous allons devoir faire quelques concessions, essayons de ne pas en rajouter, ton passé est déjà assez difficile à gérer.

Je veux que tu comprennes que je ne suis pas là que pour les bonnes choses mais aussi pour te soutenir en toutes circonstances, même avec un emploi du temps chargé, tu passes avant tout.

Je veux du dialogue entre nous , n’ai pas peur de mes réactions même si parfois elles sont impulsives, je ne mords pas tu sais … enfin pas encore, sourit.

Sindbad avait, sans mot dire, écouté sa nymphe. Il se sentait affreusement mal à l'aise. Que dire pour expliquer son attitude ? Il prit la main de Ranya et la garda dans les siennes un moment, avant de délicatement la poser sur sa joue.

Je ne voulais pas te blesser, mon ange. J'ai juste réagi quand Aiguemarine m'a dit que j'étais la dernière chance de Monpensier. Jusqu'à présent, mes actes et décisions n'impliquaiebt que moi. Et puis, entre la Douane et ta fonction de Tribun, tu semblais tellement occupée, j'ai cru que mon absence temporaire ne te troublerait pas. Je t'ai toujours connu investie dans la vie municipale de ton village. C'est ton mode de vie, pas question que je te demande d'en changer.

Mais je me rends compte à présent que, même investie, tu as besoin de moi à tes côtés. Je ne te mettrais plus au pied du mur de la sorte.

Sindbad plongea son regard dans celui de sa douce moitié, guettant sa réaction.

Elle l'écouta à son tour, au fur et à mesure de ses paroles elle se rendit compte que finalement ce petit détour au domaine n'avait pas été une perte de temps , Aigue avait été de bon conseil malgré un moment d'hésitation.

Son regard plongé dans le sien , elle le laissa terminer et ajouta :

Oui je sais que tu n'as pas voulu me faire de mal, je te connais assez pour en être consciente et je n'ai jamais douté de cela.
Maintenant en ce qui concerne mon investissement, oui c'est vrai tu as raison j'en ai besoin mais je sais que toi aussi , néanmoins si cela devait compromettre notre amour je lèverai le pied, je ne veux pas non plus que tu n'envisages aucun projet de peur que je sois obligée de faire un choix et tu finiras par mal le vivre , et je ne le veux pas.

Mon ange tu passes avant tout, et oui je vais pas le nier j'ai besoin de toi à mes cotés pour avancer, le travail n'est pas tout à mes yeux.... elle s'approcha de lui déposa un tendre baiser avant de se blottir dans ses bras.

Elle s'avait maintenant qu'elle pourrait partir le coeur léger sur Polignac en attendant son retour.

Maintenant que cette histoire était résolu, espérant que ce quiproquo n'aura plus lieu, ayant encore un peu de temps devant elle, elle tenait à profiter de ce moment de calme en sa compagnie.

Et si tu me faisais visiter cet endroit ou tu te retires apparemment pour réfléchir, je suis curieuse de voir ce qu'il a de si spécial. Sourit.

Un immense sourire éclaira le visage de Sindbad à l'idée de faire visiter le domaine de Sarliève à Ranya. Il lui prit la main :

Viens, je vais te faire visiter le palais de Sarliève, comme l'appelle Aparajita.

D'ailleurs, je pense qu'elle n'est pas loin. Mais qu'importe...Viens.

» Petites discussions entre amis.
» Correspondance entre le Bourbonnais-Auvergne et la Bretagne...
» Une histoire... Ou la rencontre improbable entre Nic et Aiguemarine