2.1 Une veillée, un feu de bois et des histoires sur Montbrison.

Gypsie

Montbrisonnais privilégiés, heureux habitants de ce village au seul lac d’Auvergne. Nul plus beau décor pour une veillée.

Des tonneaux de bière, des stères de bois avaient été déposés près de l’eau par les employés de la mairie. Dans la soirée, ils allumèrent le feu ; ce fut d’abord un grand brasier, puis une fois de belles braises obtenues, il suffirait de l’entretenir, d’y rajouter une bûche de temps en temps. La veillée risquait d’être très longue.



Suivie par quelques enfants et habitants du village, Gypsie s’assit en tailleur devant le feu, imitée par les autres. Chacun se demandait qui allait prendre la parole en premier, et comme le plus difficile est toujours de commencer, elle se lança.

Un soir de mai 1453, j’ai quitté Montluçon, à la fin de mon troisième, difficile et très pénible mandat de maire. J’ai emménagé à Montbrison, village de celui qui allait devenir mon second époux Odin, qui fut également élu maire quelques jours après mon arrivée, succédant au père Foulke. Le village était, comme il l’est encore aujourd’hui, très prospère grâce à son lac et surtout à une excellente gestion des maires précédents, dont Paxter et Nevitta.

En ce temps là, le prix du pain était encore au dessus de la barre des 7 écus. Une opération « pain pas cher « , la fondation Honoré et Catherine, fut créée afin d’aider les nouveaux arrivants et les plus démunis. Opération qui ne fit pas l’unanimité dans le village.

C’était aussi le temps des promenades nocturnes au bord du lac ; les amoureux si retrouvaient souvent, et malgré tout le soin qu’ils portaient à ne pas se faire remarquer, le père Assunto les démasquait toujours.

Le père Foulke était bien sûr présent, et Gypsie se tourna vers lui,

N’étaient ce pas Oya et Barbu les plus adeptes de ces ballades nocturnes mon père ?

Lofeli

De sa maison pas très loin du lac, Lofeli a vu une grande lumière. Elle s'est donc approchée tranquillement en se demandant de quoi il s'agissait.
Arrivée près de la berge, elle découvrit le feu et entendit les histoires qui y étaient racontées..
Elle décida de rester à écouter les autres. Elle-même n'ayant rien à raconter (surtout rien de réjouissant) s'assit dans l'herbe sur le coté, à l'écart.
Elle a toujours adoré entendre les histoires : non pas par curiosité malsaine mais par intérêt de ses compatriotes, même si elle ne les connait pas beaucoup.
Elle resta donc là écoutant attentivement, bercée par le son des voix dans la nuit

Elea

Tatie Ermeline l'avait emmené faire un tour au village, parait que futur tonton Laurent était le bourgmestre du village. Eléa savait parfaitement ce qu'était un bourgmestre, elle avait vu sa maman travaillé. Y a un beau siège et puis plein d'oiseaux qui traversent le bureau pour distribuer des missives. C'était beaucoup de travail.

Tatie, elle avait dit qu'au village, ils racontaient des histoires autour d'un feu, Eléa dans sa grande curiosité l'avait légèrement, même beaucoup embêter pour y aller. Matthis lui s'en fichait, il préférait s'entraîner à devenir chevalier et à chercher la dame Nature.

Tatie, elle avait aussi dit que l'autre Tatie Milosa serait peut-être là. Peut-être que les jumeaux aussi. Ermeline c'était une vieille chouette, Maman qui l'disait. Vieille, ça c'est bien vrai, une bien vieille dame, d'un âge très avancé. Peut-être qu'elle ne savait plus son âge... Elle devait plus trop de souvenir, elle était tellement vieille... La pauvre... Chouette, parce qu'elle était sympa et drôle ? Oui ça ne pouvait être que ça...

Eléa arriva au coin du feu, après avoir semé, sa Tatie la vieille chouette. Il y avait du monde. D'abord Gypsie, une dame très gentille qui lui avait offert un petit chien. Eléa s'approcha de Gypsie et tira doucement sur ses vêtements.

B'soi ! Le p'tit chien Soopy va tès bien ! Il l'est l'au château de Counon ave les l'autes l'animal !

Ses nouvelles données, elle se dirigea vers une autre personne, le messire qui s'appelait Jazon et qui était le cousin de son Papa, enfin elle se souvenait de ça.

B'soi Jazon le cousin d'mon Papa !

Elle continua sa petite marche, qui allait elle croiser cette fois. Ah le padre, le messire qui met de l'eau sur la tête des gens pour entrer dans la famille Aristolécienne. Et c'est celui qui fait les mariages aussi... Tonton Ptitoliv, Tonton Rick... Et patati...

B'soi l'pade !

Elle continua d'avancer, elle trouva une petite dame sur son passage, elle la salua d'un signe de la tête. Puis la dame Elevé... ah Elwe, dur à prononcer ce mot dans une p'tite tête. Elle la salua d'un petit signe de la tête. Puis une autre vieille dame. Mais on lui avait pas dit à la p'tite que c'était une réunion de grand-mère. Elle la regarda avec ses grands yeux, bien ronds. C'est qui Assunto et pis c'est pas Pypsy c'est Gypsie... Doit avoir des problèmes aux oreilles, la pauvre mamie. Pis c'est qui ça Honotrhine.

Encore une vieille dame... Olalala même pas drôle. Elle regarda la dernière très vieille dame s'approcher du curé. Eléa l'écoutait attentivement, ce n'était pas dans ses habitudes, mais cette dame... Elle s'approcha tout doucement pour ne pas se faire surprendre et surtout pour ne pas que la vieille Ermeline ne l'attrape et tira sur les pans de sa robe ou jupe.

Tu l'êtes qui toi ? Moi j'mappelle Eléa ! Tu l'êtes une Mamie ? T'as des zenfants pou jouer ave moi ?

Gypsie

Pas étonnée en voyant Jazon s’installer ; nouveau montbrisonnais, il s’intéressait au passé de son village. Confirmation du père Foulke, Oya et Barbu étaient des adeptes des promenades intimes au bord du lac.

D’autres personnes arrivèrent, s’installèrent près du feu. Gypsie n’avait pas remarqué la discrète Mémé et sursauta en entendant sa voix. Elle fit installer un fauteuil confortable pour la grand-mère qui y prit place aidée par le padre.

Et madame Pypsye, vous vous trompez. A votre arrivée, le pain était déjà moins de 7 écus.

C’est possible Mémé, vous avez bien meilleure mémoire que moi, je le sais, il en a toujours été ainsi ! Je me réjouis de vous voir ici Mémé !

Beaucoup la dévisagèrent, se demandant qui elle pouvait bien être et devant l’air étonné des villageois, Gypsie en fit la présentation.

Vous ne connaissez pas tous Mémé Marguerite. Figure incontournable de Montbrison. Elle est la grand-mère de feu père Assunto, Aristote doit être heureux depuis que le saint père l’a rejoint. Et la grand-mère de Nevitta. Mémé est un peu notre grand-mère à tous, elle veille sur nous et n’oublie pas de nous remettre dans le droit chemin dès que nous nous égarons telles des brebis… Sourire respectueux envers la grande dame, puis reprend,

Mémé Marguerite participe aussi activement à la vie du duché. Elle s’est présentée à plusieurs reprises aux élections ducales, créant sa propre liste avec sa cousine Germaine et soutenue par de nombreux bourbonnais auvergnats. Notre devise à tous était " Votez mémé, c'est voter mémé " !!

Elle a aussi la chance d’être l’élue du cœur d’un duc de notre duché, devenu Pair de France. D’habitude, on sait qu’elle est à Montbrison quand du n° 1 rue de la Justice s’échappe une bonne odeur de tarte aux quetsches, sa spécialité ! Un vrai régal !

Arriva alors la non moins célèbre montbrisonnaise, mademoiselle Elea, aussi discrète que son père. Gypsie l’embrasse quand elle vint parler de son chien, et la suivit du regard faire le tour de l’assemblée. Quand elle s’adressa à Mémé Marguerite, Gypsie la tira par sa jupe, la fit s’asseoir entre ses jambes.

On ne joue pas maintenant Elea, on écoute. On va surement parler de ton papa et de ta maman.

Recommandation tout à fait inutile se dit Gypsie qui sentit soudain un courant d’air dans son dos, comme une présence …

Et pour en revenir aux promenades noctures, il me semble que Grimoire et Ewilan furent aussi surpris par le père Assunto. Ils ont d’ailleurs dû suivre ses recommandations puisqu’ils ont convolé il y a de cela quelques hivers.

Gypsie fit mine de réfléchir…

Mais le chevalier Grimoire n’était il pas amoureux d’une autre avant de rencontrer la douce Ewilan ?

Questions posée à Papa Foulke, mais d’autres en avaient peut être le souvenir. Elle passa ses bras autour d’Elea, lui fit une grosse bise sur la joue et lui donna une pomme pour l’occuper quelques instants…

Jazon

Attirés par le grand feu, les habitants arrivaient, intrigués puis écoutant, finissaient par s'asseoir et par prendre part aux récits, chacun apportant son témoignage.

Jazon n'en connaissait pas encore beaucoup. Mais il reconnut tout de suite la petite Elea. Elle fit le tour du groupe saluant chacun puis se planta devant lui.
B'soi Jazon le cousin d'mon Papa !

Bonsoir jolie damoiselle Elea !

Puis elle continua ses salutations et fut récupérer par Gypsie qui l'asseya entre ses jambes.

Jazon passait un agréable moment découvrant le passé de ce village qui l'avait accueilli.

Grand Mère Rosa

Grand Mère attendait une réponse du curé qui ne semblait pas avoir remarqué sa présence. Il est vrai qu'il y avait beaucoup de monde et que sa voix ne portait guère. Et puis une petite tête blonde vint troubler l'assistance.

Tu l'êtes qui toi ? Moi j'mappelle Eléa ! Tu l'êtes une Mamie ? T'as des zenfants pou jouer ave moi ?

Elle s'accrocha à sa robe. Mais elle n'eut pas le temps de répondre. Une dame vint la chercher pour essayer de la tenir assise tranquille. Tiens elle aussi elle croyait la connaître. Mais était-ce une simple impréssion ? Mais... Eléa ? Elle s'approcha de Gypsie et l'enfant et la dévisagea. C'était bien elle ? Comme elle avait grandi. Elle l'avait vu haute comme trois pommes mais surtout blottie dans les bras de sa mère ou son père, enroulée dans un lange.

Que le temps passait vite décidemment. Elle était une petite pleine de vie désormais. Elle sourit. Elle avait de qui tenir. Et s'il était à moitié aussi taquine que son père elle devait en faire tourner plus d'un en bourrique.

Elle est bonne ta pomme ? Mais la petite fille ne leva pas les yeux. Elle regarda Gypsie. Bonsoir Madame, pardonnez mon impolitesse mais j'ai peur d'avoir mal entendu. Cette magnifique petite fille... C'est Eléa ? Excusez moi également il me semble vous connaître mais votre nom m'echappe je ne voudrais dire une bêtise. Cela fait si longtemps que je suis pas revenu. Et j'ai tellement voyagé...

Grand Mère Rosa

Rosa ne put s'empêcher de sourire. Le curé se souvenait déjà de son nom. Elle n'en espérait pas tant en fait. En revanche il avait de sérieuses lacunes niveau liens familiaux. Mais avec toutes ces ouailles qu'il devait sans surveiller et conseiller à longueur de journée il ne devait plus savoir ou donner de la tête.

Oui c'est bien moi. Je suis... Elle cherchait les bons mots. Je suis juste rentré dans mon village. J'étais partie depuis trop longtemps.

Oh non mon Père vous n'y êtes pas du tout. Je ne suis pas la grand mère de Dame Korydwen. Je suis celle de mon petit Althiof et ma petite Mabel...

Elle marqua un blanc. Le seul fait de prononcer son nom lui faisait de la peine. C'était si vivace encore. Et dire qu'elle n'avait encore partagé sa peine avec personne.

J'aurais juste voulu parler à mon Althiof. Mais il est parti bien loin...

Mais j'ai des personnes à gâter en attendant. Comme tu as grandi ma petite Eléa ?

En entendant les mots Eléa et gâter elle se releva aussi sec. Quand je t'ai vue tu était encore toute petite dans les bras de ta mère.

Un garçon ? J'ai donc deuxième arrière petit fils ? J'aimerais tant le voir.

Gypsie

Un vrai moulin à paroles cette Eléa, mais elle avait de bonnes excuses avec les parents qu'elle avait. Ils devaient parler à tour de rôle chez eux, chacun attendre son tour, comme à confesse.

Elle rit en entendant toutes les questions, se demandant par quoi commencer, le mieux étant toujours par le commencement.

Alors, El Falcon, je ne l'ai pas beaucoup connu, heureusement Odin et les autres, comme Nevitta, Phaleg et Tixlu je crois, ont réussi à le chasser du village le méchant ! Il était vilain, il critiquait tout et tout le monde, avait cherché vainement à pourrir l'ambiance du village. Mais les montbrisonnais ont fait bloc contre lui !

Odin était très gentil. Il fut un grand homme de ce duché. D'ailleurs il repose au panthéon. Je l'ai connu à Montluçon où nous avons sympathisé. Il était maire de Montbrison, et il a aussi fait de la politique. Il était l'un des fondateurs du parti " La Fondation ". Il était le mari de la grande duchesse Zeroukay. Tu as entendu parler d'elle ?

Moue négative de la petite fille.

Non ? Je te raconterai plus tard si tu veux. Odin et Zeroukay étaient très amoureux, ils formaient un très beau couple. Elle était belle Eléa, mais qu'elle était belle !! Elle avait de longs cheveux noirs, et un regard à vous couper le souffle. Elle était gracieuse, et inspirait naturellement le respect. Tout le monde l'adorait, admirait son travail. Plus jamais le duché n'a eu une duchesse aussi magnifique.

Mais un jour, il y a un méchant, un fou, qui est venu dans son bureau au chateau, et l'a assassinée avec un couteau. Les hommes sont partis à sa recherche, même l'armée, et ils l'ont attrapé. Il a été jugé et condamné à mort.

Quel souvenir pour Gypsie qui avait assuré la procure lors de ce procès bouleversant. Il avait fallu contenir la foule qui voulait le lyncher, le pendre, le bruler sans le moindre jugement. Elle continua son récit,

Odin était très malheureux. Il ne sortait plus de chez lui. Il m'a demandé de l'accompagner lors la cérémonie d'adieu de Zerou à Avalon. Ce que j'ai fait, comme il m'avait accompagnée quelques jours plus tôt, pour l'enterrement de mon mari Surgeon. Et puis le temps a passé, beaucoup de temps...
Et puis un jour, Odin et moi nous nous sommes mariés. Nous étions très heureux tous les deux, mais pas longtemps, car quelques jours après le mariage, il est mort dans un accident de cheval. Mais dame Nature était passée par là, et quelques mois après, mon fils Alayn est né. Tu le connais ?

Beaucoup d'informations pour la petite fille, mais comment parler de Montbrison sans parler de ceux qui avaient fait rayonner le village dans tout le duché, et il y en avait tant...

Elea

La petite fille écoutait avec un grand intérêt les histoires de Gypsie, elle savait tant de choses. Eléa avait envie d'être pareil plus tard, une dame qui sait tout plein de chose et qui raconte des histoires. Elle se leva et demanda à une des grandes personnes de lui servir un verre de jus de pomme, c'était pour l'apporter à Gypsie. Elle devait avoir soif après tout ce qu'elle venait de dire, en plus personne ne l'aidait vraiment.

Tien c'est pou toi ! Tu dois l'avoi soif ! Pales beaucoup !

La petite fille s'assit à nouveau aux côtés de Gypsie en tailleur cette fois, les coude posés sur ses genoux, la tête dans le creux de ses mains, elle pensait à tout ce que Gypsie venait de lui dire.

Il y avait plein de noms, elle ne pouvait tous les retenir, mais un jour elle les connaitrait. Le précepteur lui parlerait certainement des ducs et duchesses du duché. Elle savait que Tatie Thémis et Tonton Melkio, ils avaient été duchesse et duc.

Ah d'acco ! Alayn c'est le n'enfant de toi et Odin ! Pas de Jazon ! Oui connais Alayn, l'a tavaillé avec ma Maman à la maihie il était maireuh ajoint et pis CAC, s'occupait du maché ! Pis apès il a été duc je sais aussi... Mon Papa me l'a dit !

La petite fille regarda Gypsie et lui dit en souriant.

Tu dois l'êtes fièreuh de ton fils !

Apès y a eu quoi ? Les l'autes veulent pas aconter des histoires ? Mamie Rosa tu l'en connais des histoires ? Est-ce que Phaleg il a fait des choses pou le village ? Est-ce que c'est vai que Nevitta l'a l'été plein de fois maire ? Et Tixlu l'a fait quoi ? Moi plus tard j'veux être belle comme la Dame Ehoukay !